PRISE EN OTAGE …
Posté par 2ccr le 2 octobre 2014
Comme Karl Marx l’avait remarqué, le capitalisme, c’est-à-dire le salariat, est une prise d’otage de la vie même ! Dans une économie monétaire à travail divisé, nulle autre possibilité de reproduire la vie que d’en passer par l’argent du salaire… c’est-à-dire l’obéissance à l’employeur. Et, s’il n’y avait eu la conquête de haute lutte des institutions de la protection sociale, on ne voit pas bien ce qui séparerait la logique profonde de la mise au travail capitaliste d’un pur et simple « marche ou crève ».
Le capital ne prend pas en otage que la vie des individus séparément, mais également (en fait, d’un seul et même tenant) leur vie collective, celle-là même dont la politique fait normalement son objet. Cette captation a pour principe majeur que toute la reproduction matérielle, individuelle et collective, est désormais entrée sous la logique de l’accumulation du capital — la production des biens et des services qui reproduisent la vie n’est plus effectuée que par des entités économiques déclarées capitalistes et bien décidées à n’opérer que sous la logique de la marchandisation profitable. Et pour principe mineur la capacité d’initiative dont jouit le capital : le capital financier a l’initiative des avances monétaires qui financent les initiatives de dépense du capital industriel, dépenses d’investissement ou dépenses de recrutement.
Aussi les décisions globales du capital déterminent-elles les conditions dans lesquelles les individus trouvent les moyens — salariaux — de leur reproduction. C’est ce pouvoir de l’initiative, pouvoir d’impulsion du cycle de la production, qui confère au capital une place stratégique dans la structure sociale d’ensemble ; la place du preneur d’otages, puisque tout le reste de la société n’en finit pas d’être suspendu à ses décrets et à son bon vouloir.
S’il n’est pas déféré à toutes ses demandes, le capital pratiquera la grève de l’investissement — « grève » : n’est-ce pas là le mot qui dans la boîte à deux neurones de l’éditorialiste quelconque déclenche habituellement l’association avec « prise d’otages » ? Il suffit alors de prendre un peu de recul pour mieux mesurer l’efficacité du rançonnement, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 1980 jusqu’aux dispositions scélérates de l’Accord national interprofessionnel (ANI), en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au contrat à durée indéterminée (CDI), le travail le dimanche, etc. Liste gigantesque des butins de guerre dont il faut pourtant comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment tant qu’il ne se trouvera pas en face de la puissance du capital une puissance de même échelle, mais de sens opposé, pour le ramener autoritairement à la modération, car, une telle énumération l’atteste suffisamment, le capital n’a aucun sens de l’abus.
Lire : CRISE OU ACCIDENT DU SYSTÈME CAPITALISTE ?
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