DES RÉNUMERATIONS EXORBITANTES, SCANDALEUSES … et déconnectées de toute réalité
Posté par 2ccr le 24 décembre 2014
Je précise tout d’abord très clairement que la cible visée ici est : premièrement, les 50 ou 100 PDG des plus grandes entreprises françaises, deuxièmement, les premières centaines des dirigeants américains les mieux payés. Quand à ceux qui se pensent plus riches qu’ils ne sont, rappelons que 20% des français croient faire partie des 1% les plus riches, je pense sincèrement que souvent ils se trompent de combat et qu’un meilleur partage des richesses conduirait à une société apaisée, moins violente et plus ouverte sur l’avenir.
Ceci étant dit, on entend parfois que ces hausses de rémunérations sont liées au fait que les entreprises ont grandi, et réalisent plus de bénéfices. C’est tout simplement faux : on constate qu’il n’en est rien, et que, bien au contraire, la rémunération des PDG ramenée aux bénéfices de leur entreprise est 6 à 10 fois supérieure au consensus historique. D’ailleurs, il n’y a pas de raison dans l’absolu que cette rémunération soit directement indexée sur le volume des profits… Le service rendu par le PDG d’une entreprise de 100 000 salariés est-il 10 fois supérieur à celui d’une entreprise de 10 000 salariés ?
Cela rend illisible toute l’échelle de rémunération des entreprises et du pays : en quoi un PDG rendrait-il plus de services au pays que les plus dirigeants de la justice, de la défense, de l’éducation, du pouvoir politique ? Le président d’un pays n’a-t-il pas une responsabilité écrasante par rapport à un grand patron ? Et quoi, il faudrait payer M. Obama 20 milliards de dollars par an alors ? Le salaire des patrons de Hedge Funds est écœurant – surtout quand on sait que ce sont ceux qui se sont enrichis en pariant sur l’écroulement des subprimes…
Intéressons-nous maintenant à l’évolution de la structure de la rémunération, entre salaire fixe et salaire variable, qui est pour moi un aspect fondamental du problème. La croissance de la rémunération indexée sur le cours de bourse est patente – alors que la stabilité a prévalu pendant 60 ans… Le phénomène n’a pas touché que le Top 50, le Top 500 est dans le même cas. Le salaire fixe ne compte plus que pour 15 % du total… La part fixe du salaire est désormais négligeable, la fortune des PDG se faisant par l’évolution des cours boursiers, avec lesquels elle est très corrélée, bien plus qu’avec l’évolution des profits. A contrario, le pouvoir d’achat des travailleurs américains n’a connu aucune progression en quinze ans.
Et en France me direz-vous ? Les niveaux atteints en 2007 ont été incroyables – 23 M€ pour le record ! Toujours dû uniquement à la Bourse. Mais évidemment, cela n’a pas duré : la Crise a raboté les cours boursiers, et donc les rémunérations. Du coup, les grands dirigeants ont trouvé la parade : en revenir aux fondamentaux ! Beaucoup ont vu leurs salaires fixes et variables augmenter, et les stock-options sont de plus en plus remplacées par des distributions d’actions gratuites. On ne peut plus gagner les mêmes fortunes, mais au moins, à tous les coups on gagne ! Ainsi, le même phénomène s’observe en France, seule l’ampleur des rémunérations étant nettement moins élevée. Rappelons toutefois que 10 M€ par an, c’est environ 50 000 € par jour travaillé…
Cette question souffre finalement de l’absence de repère : combien payer « les meilleurs PDG » ? Aujourd’hui c’est 10 M€, mais pourquoi ceci plutôt que 1 M€ ou 100 M€, l’entreprise faisant des milliards d’euros de résultat ? On conçoit bien qu’il ne peut y avoir de « marché » en l’espèce, de véritable loi de l’offre et de la demande efficiente, puisqu’il s’agit de fixer la borne supérieure. Tordons le cou au discours de “laissons le marché fixer le prix”, puisqu’il n’y pas de marché efficient ; si tel était le cas, tous nos PDG devraient être chinois ou indiens et payés 200 000 € par an…Et ce, pour une raison simple : les comités de rémunération qui fixent le salaire des PDG sont constitués de patrons ou d’anciens patrons ! Bref, les patrons fixent le salaire des patrons, ce qui ne peut qu’entraîner des hausses sans fin, à fortiori quand le capitalisme français souffre d’une endogamie chronique : rappelons en effet que le cercle des administrateurs du CAC 40 est particulièrement fermé, puisque 98 des administrateurs (22%) détiennent 43% des droits de vote.
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