MATTEO RENZI : « le démolisseur » !
Posté par 2ccr le 30 mai 2015
En Italie, l’offensive néolibérale continue avec force et frappe de plein fouet la population, à commencer par les plus précaires (jeunes, immigrés et femmes). Le nouveau gouvernement de Matteo Renzi pousse à l’extrême ces politiques dites « structurelles » déjà entamées par les exécutifs antérieurs (Letta, Monti et Berlusconi) dans le but déclaré de rendre le pays plus compétitif et de promouvoir cette sacro-sainte croissance qui est surtout synonyme de bénéfices exclusifs pour les détenteurs de capitaux et les entreprises.
En février 2014, le premier ministre Renzi (le plus jeune de l’histoire de la République italienne) est arrivé au gouvernement suite à la crise interne du parti démocrate (PD) et à la démission de son prédécesseur Enrico Letta. Désigné pour prendre le secrétariat du PD (parti majoritaire à la chambre des députés depuis les élections du mois de février), Renzi est pour la plupart des Italiens celui qui les a sauvés de l’instabilité typiquement italienne des gouvernements de gauche. C’est pourquoi il est considéré comme le sauveur, l’homme de la grande coalition gouvernementale alliant gauche, centre et droite, qui met tout le monde d’accord.
Bien que surnommé « Il Rottamatore » (« Le démolisseur »), en référence à sa volonté d’envoyer la vieille classe dirigeante italienne à la casse, le premier ministre ne s’est pas vraiment illustré en la matière… Il a plutôt contribué activement à la démolition des droits sociaux conquis par la population italienne depuis les années 60. Dans certains domaines, comme le droit du travail et les privatisations, ses politiques vont même bien plus loin que celles de ses prédécesseurs.
Par exemple, le « Jobs act », la dernière réforme du marché du travail créée par l’exécutif de Renzi, parachève deux décennies de réformes visant à libéraliser le secteur du travail et à le rendre toujours plus précaire. Dans la propagande gouvernementale, le Jobs act passe comme la recette infaillible pour la réduction du chômage, l’embauche des jeunes et la relance économique. Alors qu’en réalité, il se révèle être l’instrument privilégié de la précarisation des rapports de travail.
La nouveauté la plus importante de la réforme est « le contrat à protections croissantes », un type de contrat à durée indéterminée qui s’applique à tous les nouveaux embauchés à partir de l’entrée en vigueur de la réforme (le 7 mars 2015). Ce type de contrat prévoit que le travailleur ne bénéficie plus du droit aux prestations sociales qui sont normalement appliquées aux contrats de travail normaux (CDD et CDI). Ce droit est certes prévu mais sera appliqué après une certaine durée qui sera établie par des décrets d’application. En revanche, les gains pour les entreprises sont bien réels car celles-ci ne doivent verser aucune cotisation patronale pendant ce laps de temps. Mais les avantages pour les entreprises ne s’arrêtent pas là ! En effet, tout change aussi en matière de licenciement. Pour les nouveaux embauchés, la règle d’application de l’article 18 qui concerne le licenciement sans juste cause se restreint. Le nouveau contrat en effet introduit la possibilité pour l’entreprise de payer une indemnité aux travailleurs au lieu de les réintégrer dans le lieu de travail (comme prévu par l’article 18 avant ces réformes) même en cas de licenciement injuste
L’autre belle nouveauté du Jobs Act concerne la loi Poletti (du nom du ministre du travail) relative aux régimes des contrats à durée déterminée (qui vont de plus en plus remplacer des anciens CDI). Si avec l’ancienne loi (2001), un CDD devait être motivé par l’entreprise pour des « raisons à caractère productif, technique, d’organisation ou de substitution », le nouveau décret prévoit que l’entreprise ne doit plus aucune explication aux travailleurs. La seule limite établie concerne le nombre de ces contrats : pour les entreprises avec plus de 5 salariés les CDD ne peuvent pas dépasser 20% du total des contrats signés. Par contre, en dessous des 5 salariés il n’y aucune limitation (il faut rappeler que 94,4 % des entreprises en Italie sont des micro-entreprises). De plus, avec cette réforme, un CDD peut être renouvelé au maximum 8 fois dans un délai de 36 mois.
Il serait bon de rappeler aux politiciens qu’en Italie en seulement cinq ans (de 2008 à 2013) 1 million d’emplois se sont évaporés, avec un effondrement du nombre de CDI (- 46,4%) qui ont laissé la place aux CDD (+19,7%). Cela montre comment la précarité et la flexibilisation du travail, favorisées par les différentes réformes, ne créent pas de l’emploi mais au contraire en détruisent. Et la nouvelle réforme va encore un peu plus contribuer à cette destruction.
Enfin, le gouvernement a dédié tout un chapitre de sa réforme aux plus jeunes, qui s’appelle « Buona scuola » (la « bonne école »). Le type d’école promu par le gouvernement prend comme modèle celui de l’Allemagne : les programmes scolaires doivent s’aligner aux exigences du marché du travail. Cela signifie que les formations doivent être orientées afin que les élèves coopèrent et participent aux projets des entreprises, ce qui remet en question non seulement le caractère public des écoles mais surtout leur objectif d’éducation et d’émancipation.
Renzi et son gouvernement ne sont pas seulement responsables de la précarisation galopante, véritable fardeau de la péninsule, mais aussi du processus de privatisation du secteur public déjà entrepris dans les années 90. Dans un contexte de liquidation de tous les secteurs (santé, éducation, énergie, poste), le premier ministre déclare vouloir reprendre la privatisation du service de l’eau (que les Italiens avaient refusé par référendum en 2011), vouloir opérer une fusion des entreprises (de 8000 à 1000), mais aussi poursuivre avec la privatisation de l’ENEL (la plus grande entreprise énergétique du pays, déjà fortement privatisée), des postes italiennes et des chemins de fer (pour 40 % du capital). La privatisation de l’eau, la soi-disant nécessité de grands travaux publics (très coûteux et qui se font même parfois contre l’avis des mairies) et la réutilisation des incinérateurs font partie du « Sblocca Italia » (débloquer l’Italie), un autre décret- loi voté fin 2014.
En Italie, l’automne et l’hiver passés ont été marqués par les protestations contre le Jobs Act et le « Sblocca Italia ». Plusieurs mobilisations ont eu lieu dans les villes et les provinces concernées par la construction de projets inutiles. Un réseau s’est aussi mis en place entre plusieurs mairies se déclarant « anti décret-loi ». Concernant le Jobs Acts, des étudiants, des syndicats de base, des activistes des centres sociaux et des associations ont commencé à se ressembler dans les plus grandes villes du pays à partir du 14 novembre. Le cri est le même partout : « Grève sociale ! ». Ce mot d’ordre n’a pas été choisi par hasard : cette grève a été pensée surtout pour ceux et celles qui ne sont pas représentés par un syndicat à cause de la précarité de leur contrat de travail, de leurs conditions de chômage ou de leur travail indépendant sans protection, mais qui manifestent contre ces lois qui protègent uniquement les entreprises. Parmi les autres revendications, parallèlement à l’élimination du Jobs Act et au rétablissement de l’article 18, il y a le salaire minimum européen, un revenu de base universel, la fin du travail non rémunéré, la gratuité de la formation et la stabilisation des précaires. Qu’importe si le chemin est long, nous gagnerons !
« Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite » … B.Brech
voir, Italie : ces retraités obligés de reprendre le travail :
http://www.anti-k.org/2015/05/30/italie-ces-retraites-obliges-de-reprendre-le-travail/