UN GRAND BOND EN ARRIERRE … pour le bien de quelques uns !
Posté par 2ccr le 16 septembre 2016
« Il faut libéraliser le marché du travail », « il faut imposer la fin de la protection dans tous les emplois », « il faut en finir avec les taxes et les impôts sur les entreprises », « il faut supprimer les charges sociales qui pèsent sur le cout du travail », « pour l’égalité, nous demandons immédiatement la fin des privilèges et exceptions sociales », « il est urgent d’avoir un contrat de travail identique pour tous », « il est temps d’exiger la fin des marchés de monopoles » et bien sur « il faut favoriser la fameuse liberté d’entreprendre », … bien sur vous l’aurez compris cette « égalité pour tous » ne concerne que les salariés dont il faudrait aligner les « avantages » sur le moins disant social. Toutes ces déclarations sont faites par ceux qui rêvent d’un renard libre dans un poulailler libre, ceux qui sont devenus champions pour socialiser les pertes et privatiser les bénéfices, ceux qui croient s’être fait tout seul et être plus méritant que les autres. Il s’agit en fait de gens qui nous tondent la laine sur le dos !
« Trop d’impôts, tue l’impôt », «une fiscalité confiscatoire», «l’insupportable pression fiscale», «l’impôt, extorsion de fonds». Une puissante campagne idéologique vise à montrer que ce sont les possédants, les très hauts revenus, voire les patrons, qui sont victimes d’un État budgétivore et « spoliateur ». Cette ambiance anti-impôts est créée par ceux qui protestent préventivement, avant même qu’on n’augmente leurs impôts. Il s’agit souvent de gens dont les revenus sont souvent deux, cinq, voire dix fois ce qu’ils seraient si leurs revenus avaient à voir quoi que ce soit avec leur qualification, leur travail ou leur importance pour le pays…
Ceux qui font ces déclarations sur le travail et les impôts rêvent en fait d’un grand bond dans le passé et de tirer un trait sur toutes les luttes qui ont permis à la majorité de la population de vivre mieux. Pour mieux comprendre leurs objectifs et mesurer comment ils nous considèrent vraiment, voici le règlement intérieur d’une usine de soie en Savoie en 1873 :
- Respect de Dieu, propreté et ponctualité sont les règles d’une maison bien ordonnée
- A compter de ce jour, le personnel sera présent de six heures du matin à six heures du soir. Le dimanche est réservé au service religieux.
- Chacun est tenu de faire des heures supplémentaires si la direction le juge utile.
- L’employé le plus ancien est responsable de la propreté des locaux. Les plus jeunes s’annoncent chez lui quarante minutes avant la prière et sont également à sa disposition en fin de journée.
- L’habillement doit être simple. Le personnel ne doit pas se vêtir de couleurs claires et doit porter des bas convenables. On recommande en outre à chacun d’apporter chaque jour, pendant l’hiver, quatre livres de charbon.
- Il est interdit de parler pendant les heures de travail. Un employé qui fume, fréquente des salles de billard ou les milieux politiques est suspect quant à son honneur, son honnêteté, sa correction.
- Il est permis de prendre de la nourriture entre 11H30 et 12 heures. Toutefois le travail ne sera pas interrompu.
- Chaque membre du personnel a le devoir de veiller à sa santé. En cas de maladie, le salaire ne sera pas versé. On recommande à chacun de mettre de coté une partie de son gain afin qu’en cas d’incapacité de travail et dans sa vieillesse, il ne soit pas une charge à la collectivité.
- Envers la clientèle, l’employé témoignera modestie et respect
- Nous attirons votre attention sur la générosité de ce nouveau règlement. La direction en attend une augmentation considérable du travail.
Voila, si nous n’en sommes plus là, si des avancés sociales ont eu lieu, ce n’est pas parce que le patronat est subitement devenu « plus gentil », mais c’est parce que nos anciens se sont battus et parfois sont morts pour que l’on puisse avoir ce que l’on a. Actuellement, nous avons intériorisé l’idée que « c’est comme ça », « on ne peut pas faire autrement », nous sommes souvent fatalistes et démoralisés, nous n’avons plus la force ni la conviction pour nous battre. Pourtant en 1873 il fallait du courage pour contester l’ordre établi de la bourgeoisie, nos anciens n’ont pas baissé les bras et ont permis que l’on vivent mieux, et nous, que laisserons nous à nos enfants ?
Enfin, ce n’est pas l’immigration qui tire les salaires et les conditions de travail à la baisse, ni l’Europe qui oblige les patrons à être « méchants », la preuve en 1873 en Savoie il y avait très peu des premiers et l’UE n’existait pas … Ce n’est que par la lutte que nos anciens ont fait changer les choses, car nous n’aurons que ce que nous prendrons ! Arrêtons de nous cacher derrières des leurres et de chercher des boucs émissaires !
»L’esclavage humain a atteint son point culminant à notre époque sous forme de travail librement salarié. » … George Bernard Shaw
Edifiant ce règlement intérieur. J’ai une copie du document original et il était indiqué que cette « généreuse » avancée (ou recul si l’on se place du côté patronal) avait été imposé par une nouvelle législation qualifiée d’irresponsable. Et donc des efforts considérables étaient requis de la part du salarié pour compenser ces cadeaux qui mettaient en péril l’entreprise.
Il faut imposer l’interdiction de la propriété lucrative