NI PROTECTIONNISME, NI MONDIALISATION CAPITALISTE
Posté par 2ccr le 18 novembre 2016
Avec la crise, on assiste à un surgissement des discours protectionnistes de droite et de gauche. On ne peut nier le désarroi face aux délocalisations qui renforce l’écoute dont bénéficie Marine Le Pen et qui a fait en partie le succès d’Arnaud Montebourg. Mais, toute position progressiste sur les échanges internationaux suppose de tenir compte d’une double réalité : les travailleurs, au Nord et au Sud, ont des intérêts différents de ceux de leur bourgeoisie ; les pays du Nord, qui dominent encore largement l’économie mondiale, n’ont aucun droit de dicter aux pays du Sud les conditions de leur développement. D’ailleurs, l’industrialisation du Sud (malgré des formes souvent barbares) est un fait très positif.
Marx dans son « Discours sur la question du libre-échange » de 1848 (1) rejette le protectionnisme tout en notant l’impact destructeur du libre-échange. Il montre comment les productions se déplacent d’une zone à l’autre en fonction des coûts relatifs de production, souligne les inégalités entre pays et l’importance stratégique de certaines branches industrielles.
Tout en refusant toute solidarité avec les patronats, il convient bien de ne pas négliger les conséquences concrètes du libre-échange :
- Impact sur l’emploi et les salaires dans les pays du Nord. Sans exagérer l’importance de la mondialisation – ce qui pèse fondamentalement, c’est la course effrénée du capital aux gains de productivité – le libre-échange intégral, promu par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en rajoute en mettant en concurrence les salariés à l’échelle du monde.
- La pression sur les salaires est forte aussi dans les pays du Sud. La menace de déplacement des productions vers des zones où les conditions de travail sont plus dures ou les rémunérations plus faibles, est permanente. Ainsi, le Figaro du 16 février 20122 note que « la flambée des salaires chinois se poursuit : suite à des grèves, ils s’échelonnent entre 180 et 300 euros par mois. C’est autant qu’en Biélorussie et plus qu’en Tunisie (160 euros) et à Madagascar (50 euros). De plus en plus de marques, comme Petit Bateau, Etam ou Celio, s’approvisionnent dans cette île… Le Bangladesh, où le salaire moyen s’élève à seulement 80 euros, s’impose comme le deuxième fournisseur de la France ».
La mondialisation productive s’accompagne de mouvements massifs de produits industriels et agricoles, pour une part complètement indépendants des dotations naturelles des pays, aux effets écologiques néfastes.
L’altermondialiste Thomas Coutrot résume ainsi le dilemme actuel auquel sont confrontés les internationalistes3 : « Le libre-échange n’est pas soutenable socialement […]. Il n’est pas soutenable écologiquement – parce qu’il favorise l’explosion du volume de marchandises transportées, et donc de gaz à effet de serre. Il n’est pas soutenable démocratiquement, car – couplé à la libre circulation des capitaux – il prive les élus du peuple de presque tout pouvoir de décision en matière économique.
En même temps, le protectionnisme est par définition unilatéral et conflictuel : il « protège » d’un ennemi extérieur. Il encourage le nationalisme, les guerres commerciales […]. Pour le mouvement social international, s’engager dans des revendications protectionnistes, Nord contre Sud, serait un suicide programmé. »
Comme le disait Jaurès « Le socialisme, c’est-à-dire l’organisation sociale de la production et de l’échange exclut, à la fois, et la protection qui ne peut guère profiter aujourd’hui qu’à la minorité des grands possédants, et le libre-échange, qui est la forme internationale de l’anarchie économique. »4
Mettre au premier plan la question de la libre circulation des capitaux
Le débat électoral français se focalise sur le commerce avec les pays à bas salaires et, dans ce cadre, sur les importations et les délocalisations. Les propositions faites comportent surtout des mesures visant à « réguler » le commerce avec les pays accusés de faire du dumping social et environnemental. Ces propositions oublient souvent que les exportations de la Chine sont la plupart du temps des exportations de « nos » multinationales implantées là-bas.
L’accent mis sur les échanges de marchandises reflète les préoccupations immédiates des salariés de l’industrie soumis au chantage patronal sur la concurrence des pays à bas salaires. Mais elle correspond aussi, soit à une analyse erronée, soit à une volonté de dissimuler un obstacle fondamental à toute politique de transformation sociale : la liberté de circulation des capitaux. C’est bien là pourtant l’essentiel.
Les mouvements internationaux de capitaux ont été libéralisés par les États depuis les années 1980 et se sont considérablement développés. Ils ne correspondent que pour une faible part à des mouvements réels de marchandises. Ils ont un rôle majeur pour justifier les politiques d’austérité à travers la spéculation sur la dette internationale et les monnaies.
Les mouvements de capitaux doivent donc être strictement contrôlés et les opérations spéculatives interdites. C’est le sens du soutien du NPA à la taxe « Tobin » qui doit en fait s’insérer dans un ensemble de mesures de contrôle strict des mouvements de capitaux (y compris la socialisation totale du système bancaire).
Quelles positions par rapport aux délocalisations ?
Le protectionnisme crée une fausse solidarité entre ouvriers et patrons et présente les travailleurs des autres pays comme des adversaires. C’était le sens de notre refus du « Produisons français » du PCF, de nouveau en vogue.
La course à la productivité entraîne de nombreuses suppressions d’emplois industriels. Les délocalisations ne concernent pas que les pays à bas salaires. Les délocalisations et les échanges avec les pays du « Sud » donc sont loin d’expliquer l’ensemble des pertes d’emplois industriels : selon une des estimations disponibles, le nombre d’emplois industriels perdus en France entre 1970 à 2002 du fait des échanges avec les pays du Sud correspondrait à environ 15 % de la diminution totale de l’emploi industriel. Cette part est certes plus élevée dans certains secteurs (textiles, chaussures…) surtout si on tient compte des importations à faible prix réalisées par l’entremise des chaînes de distribution. La « désindustrialisation » de la France et les déséquilibres accrus du commerce extérieur renvoient aussi à des faiblesses du tissu industriel français, elles-mêmes reliées à des choix de l’État et du patronat marqués par une logique de court terme en lien avec la pression des actionnaires. Pour ce qui est de l’ensemble de l’économie (pas seulement l’industrie) et de tous les échanges commerciaux, l’internationalisation serait responsable de la perte d’environ 36 000 emplois par an entre 2000 et 2005, soit, en moyenne, 29 % des destructions d’emplois, dans les branches où l’emploi décroît. Mais par ailleurs, l’internationalisation entraînerait aussi des gains d’emplois en nombre équivalent (mais ce ne sont pas les mêmes et cela n’allège pas les conséquences sociales pour ceux qui subissent les réductions d’emplois).
Il n’en reste pas moins que les délocalisations existent et touchent particulièrement l’industrie. Il faut donc en combattre les conséquences sur l’emploi, en les combinant à des propositions qui puissent faire le lien avec d’autres entreprises subissant des réductions ou des transferts d’activités, et les salariés victimes de licenciements en général. Au-delà de propositions locales, définies par les salariés concernés eux-mêmes, il faut avancer :
- Le remboursement de toutes les aides perçues par les entreprises alors qu’elles ont réalisé des profits qui leur permettent de délocaliser (celles concernant l’établissement délocalisé mais aussi l’ensemble de l’entreprise ou du groupe) ;
- La poursuite de l’activité sous contrôle des salariés, en lien avec l’État et les collectivités locales concernées, des établissements victimes de délocalisations (comme de tous ceux qui subissent des décisions de réduction d’activités inspirées par le critère du profit maximum).
- L’opposition aux délocalisations responsables de licenciements combine le refus de ces opérations avec les mots d’ordre d’interdiction des licenciements et de réduction du temps de travail.
- Réfléchir à une autre organisation des échanges internationaux, en vue de réduire l’anarchie capitaliste et son impact écologique
Sans nostalgie des petites régions vivant quasiment en vase clos ou d’États nationaux environnés de barrières, l’échange international est une nécessité qui sous le capitalisme est porteur de dommages sociaux et écologiques. De nombreuses marchandises font des kilomètres inutiles et néfastes pour l’environnement, entre les États mais aussi à l’intérieur des États. Il y a là matière à réflexion mais les mesures préconisées ne doivent pas avoir pour visée de brimer l’industrialisation du Sud, même sous des prétextes nobles (droits sociaux, écologie). Elles doivent donc être symétriques.
C’est l’intérêt de la proposition de taxe kilométrique, payable par l’acheteur pour chaque kilomètre parcouru par une marchandise. Une tonne de chemises chinoises arrivant à Paris serait taxée au même niveau (en %) qu’un moteur d’avion français arrivant en Chine. Des taux différenciés pourraient être envisagés selon les secteurs, selon les partenaires, selon le caractère plus ou moins utile de l’échange international.
À plus long terme, un « gouvernement des travailleurs » (au niveau français ou de préférence européen) protègerait les nouvelles conquêtes sociales et chercherait à jeter les bases d’une autre organisation du monde. Ainsi, pourraient être prises des mesures d’encadrement du commerce extérieur reposant sur des accords bilatéraux avec les pays tiers. La planification de l’économie n’implique pas l’autarcie pour la zone économique où elle commencerait. Bien au contraire, elle chercherait à développer des rapports d’échanges, premier pas pour organiser la coopération des peuples.
1. http://www.marxists.org/francais/marx/wo… [4]
2. « Vêtement : les marques s’émancipent de la Chine »
3. Thomas Coutrot, « Jalons vers un monde possible », Le bord de l’eau, 2010.
« Jaurès, le protectionnisme et la mondialisation », Alain Chatriot, http://www.laviedesidees.fr/IMG/pdf/20111006_Jaures-protectionnisme.pdf
Tout ceci n’a rien de nouveau et n’est qu’une resucée d’un capitalisme national ouvert au monde mais avec régulation.
Il s’ agit en fait d’une méconnaissance totale de la situation de nos jours.
La libre circulation des capitaux est une nécessité pour le capitalisme qui ne peut plus se rentabiliser sur le plan national et a absolument besoin de trouver de nouveaux marchés dans l’espace (mondialisation) et dans le temps.
Dire qu’il est bien que les pays du Sud s’industrialisent est complètement inepte. Car ces pays ne s’industrialisent pas comme ont pu le faire les pays dits développés, mais sont assujettis à la main mise de ces mêmes pays. En aucun cas vous n’aurez une industrialisation comme ce fut le cas pour les pays développés pour la simple raison que ces pays n’auront jamais les infrastructures nécessaires et ne pourront jamais auto-entretenir le capital dans leur pays. Un exemple frappant est celui de la Chine qui a été l’atelier du monde pendant des années ce qui lui a permis une croissance à 2 chiffres, mais qui n’a pu assurer une croissance depuis la dernière crise que grâce au crédit, à l’endettement et à la plus fabuleuse utilisation de béton jamais vu (même aux USA) sur terre. La Chine a consommé en 4, 5 ans largement plus de béton que les USA pendant tout le 20ème siècle. De plus, le pays n’arrive pas à auto entretenir un capitalisme interne.
La course à la productivité est une nécessité pour les capitalistes! C’est d’ailleurs pourquoi vous ne pourrez jamais dans ce système aller à l’encontre de cela. Il faut prendre en compte la productivité moyenne globale mondiale pour comprendre que l’on ne peut revenir à l’époque des 30 glorieuses et de rentabilité via la production de marchandises. La concurrence rend obligatoire les gains de productivité; or, ces gains ont tellement été énormes depuis 40 ans que le système ne peut plus compenser les innovation de procès par la croissance et les innovations produits.
Il y a dévalorisation générale de la marchandise qui n’est valeur économique que par le travail humain vivant incorporé dans cette marchandise quelle que soit le type de marchandise. Or, le travail humain vivant est détruit par les gains de productivité liés au procès de production via la micro électronique, la robotisation et l’automation. Vous avez besoin de plus de travail humain vivant pour compenser la perte de travail humain liée à la destruction de ce même travail par le capital fixe de plus en plus important.
C’est un leurre de faire croire que l’on résoudrait tout en revenant au keynésianisme d’antan. Cela n’est plus possible.
Il faut bien comprendre cela. Le capitalisme a atteint un point de non retour à cause de la productivité énorme et de la destruction du travail humain vivant en résultant.
C’est pourquoi nous assistons à ce que d’aucun appelle le capitalisme sauvage qui n’est que la conséquence du fonctionnement interne de celui-ci. En effet, il faut au capitalisme de nouveaux débouchés, donc destruction des services publics, et transformation en marchandises de la plupart des aspects de notre vie.
Il faut aussi remarquer que l’ industrie des services en aucun cas ne palliera ce phénomène car cette industrie ne crée pas de valeur car elle ne crée pas de marchandises ou alors très peu (voir la bulle internet des années 2000).
Pur pallier à tous ces problèmes, la réponse a été il y a 40 ans de déréguler et de privatiser. Cela a crée une industrie financière hypertrophiée qui n’est pas la cause de la crise du système, mais tout simplement le symptôme de sa déconfiture. Si il n’ y avait pas eu cette politique, il y aurait eu effondrement du système keynésien. Je rappelle que Keynes était un économiste libéral qui ne voyait en l’ Etat que la bouée de secours pour relancer la machine et repartir sur les marchés.
Il y a donc mal donne à faire accroire aux gens que revenir à ce qui se faisait il y a 30 ans réglera les contradictions internes du capitalisme. Il faut cependant que ce ne soit pas les peuples qui pâtissent de cela et il vaut mieux une relance keynésienne que l’austérité.
Se soucier de l’environnement dans un tel système est inepte. L’économie est définitivement incompatible avec l’économie quelle qu’elle soit. C’est en 2008, lors de la récession mondiale qu’il a été enregistré le moins de dégagement de C02. D’autre part, l’économie est basée sur le pétrole coûtant peu cher. Nous ne pourrons pas supporter la hausse de ce dernier qui se fera inéluctablement. Ce ne sont pas les énergies dites renouvelables qui nous permettront de remplacer l’or noir.
Autre chose, parler de taxe TOBIN est complètement stupide à part vouloir faire éclater les bulles encore plus rapidement. TOBIN était un économiste libéral et cela aurait été fait depuis longtemps si ce n’était pas infaisable ou alors vraiment à la marge, c’est à dire un pourcentage extrêmement ridicule.
Nous sommes dans un système absurde où le but est de valoriser l’argent alors que nous avons tous les moyens productifs pour assurer à chaque être humain les biens et services nécessaires.