LE FN ET LE MEDEF : même objectifs, même intérêts ?
Posté par 2ccr le 14 février 2017
La fin de la période glaciale approche-t-elle ? Le patron du syndicat patronal, Pierre Gattaz, a choisi d’inviter la candidate frontiste à présenter son projet, rompant avec une tradition anti-FN. Le FN n’a, à l’évidence, jamais été un parti révolutionnaire – ni avec ni sans couteaux entre les dents – ni même un parti anti-système : la famille Le Pen appartient à l’élite financière, et dès les premiers succès électoraux, de nombreux cadres et dirigeants sortaient des « grandes écoles » d’élites (Bruno Mégret hier, Florian Philippot aujourd’hui…). Néanmoins ses relations avec le grand patronat, surtout avec sa partie organisée, ont rarement été au beau fixe.
Pierre Gattaz veut toutefois se distinguer de celle qui l’a précédé, Laurence Parisot, par sa volonté de traiter le FN comme les autres partis à l’occasion de la présidentielle. Ce qu’il lui était reproché n’était évidemment pas d’être anti-capitaliste, de faire partie des « affreux partageux ». La doctrine du parti d’extrême droite disant au contraire qu’il n’y aura jamais assez à partager pour tout le monde (…pour ajouter : « il convient donc d’exclure les étrangers, ou les mauvais Français, en premier de l’accès au gâteau »). Mais il lui fut reproché de pratiquer une sorte de « primat du politique », mettant ses propres critères – ceux du prétendu intérêt d’une « communauté nationale » fantasmé – et sa recherche d’une base dans les classes populaires au-dessus des purs critères d’« efficacité économique » au sens patronal. Et puisque la mondialisation économique, le libre-échange transfrontières, les délocalisations sont devenus un angle d’attaque du FN depuis les années 1990 (dans la mesure où le parti d’extrême droite explique tous les maux de la société capitaliste par le prisme du « mondialisme »), cela peut gêner un certain patronat. Dans la mesure où celui-ci cherche avant tout à exploiter, à produire et à vendre… y compris au-delà des frontières, il crie au « protectionnisme », sauf si ses propres intérêts se trouvent menacés par des capitaux étrangers plus forts, auquel cas il peut lui-même devenir très vite très « protectionniste ».
Bref, le grand capital organisé, surtout celui qui commerçait avec succès à une échelle dépassant les frontières nationales, pince quelque peu le nez à l’écoute des thèses… justement protectionnistes prônées par une Marine Le Pen ou un Florian Philippot. Certes, tout le monde au sein du FN et de sa mouvance n’est pas exactement sur la même ligne, la députée Marion-Maréchal Le Pen affirmant des positions plus libérales en économie.
Les temps ont changé, dans la mesure où le successeur de Laurence Parisot à la tête du MEDEF – Pierre Gattaz – semble avoir rompu avec la rupture, effectuée par ses prédécesseurs. Lundi 16 janvier 2017, lors d’une réunion du Conseil exécutif du MEDEF, la direction de l’organisation patronale a ainsi décidé d’inviter le Front national à présenter ses thèses économiques devant ses principales fédérations. Pour Bernard Monot, l’un des deux créateurs du programme économique de Marine Le Pen, l’invitation sonne comme un début de consécration. « La position de Gattaz est pour une fois intelligente, elle est démocratique. Surtout que le FN est l’ami de toutes les entreprises, du petit commerçant, au géant français du CAC 40 »…
Non, il ne s’agit pas de se faire de grands mamours, et les poids lourds du MEDEF voudront avant tout faire pression sur le FN,toujours est-il que cette nouvelle ligne de conduite se situe en rupture avec celle qui prévalait du temps de Laurence Parisot. Au sein du FN, cela a même poussé l’économiste libéral et eurodéputé Bernard Monot à entonner publiquement une mélodie fortement pro-patronale : « Je rappelle que nous sommes de vrais libéraux, partisans sans ambiguïtés de l’économie de marché et de la libre entreprise. J’espère que cette rencontre sera l’occasion de rassurer les chefs d’entreprise. » Toujours est-il que cette tonalité, qui correspond aux positions libérales en matière économique que Monot a toujours défendues, ne fera pas l’unanimité à l’intérieur du FN, ne serait-ce que pour des raisons de tactiques électorales vis-à-vis des classes populaires.
Transmit par Alexandre
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