Oser affronter les difficultés
Posté par 2ccr le 1 mars 2024
Il ne faut pas confondre le départ de ces migrants qui partent au péril de leur vie chercher une vie meilleure et l’immigration massive voulue par le grand patronat. Jean Jaurès avait raison : « Ce que nous ne voulons pas, c’est que le capital international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français, et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. C’est en ce sens, et en ce sens seulement, que nous voulons protéger la main-d’œuvre française contre la main-d’œuvre étrangère, non pas je le répète, par un exclusivisme chauvin mais pour substituer l’internationale du bien-être à l’internationale de la misère », discours « Pour un socialisme douanier », le 17 février 1894.
Avant les années 1980, le thème de l’immigration n’était pas un tabou à gauche. Tout au long de l’histoire du XXème siècle la gauche a critiqué les politiques d’immigration en pointant le grand patronat. Cette critique allait de pair avec la solidarité entre travailleurs nationaux et immigrés, l’égalité des droits et l’union dans la lutte des classes. Alors que le patronat, lui, s’attache à mettre en concurrence les travailleurs étrangers et français, à la fois pour affaiblir le front social et pour disposer d’une masse corvéable et peu revendicatrice rejoignant la fameuse « armée industrielle de réserve » de Marx. En 1963, la CGT soutient le principe d’une immigration contrôlée, le PCF plaide aussi pour un contrôle de l’immigration . Georges Marchais, en 1981 déclarait : «il est inadmissible de laisser de nouveaux travailleurs immigrés en France, alors que notre pays compte près de deux millions de chômeurs français et immigrés ». A partir des années 1980, le Front National, bien aidé par les manœuvres de François Mitterrand, va émerger, et devient l’épée des intérêts capitalistes qui cherchent, comme toujours, à diviser les travailleurs français et immigrés. En désignant les immigrés comme responsables du chômage avec le slogan « 3 millions de chômeurs c’est 3 millions d’immigrés de trop », le FN se tait évidemment sur la responsabilité des grandes entreprises qui ont facilité l’entrée de ces étrangers, et bien évidemment sur les processus d’exploitation qui exacerbent les inégalités entre immigrés et nationaux. De son côté, le Parti socialiste, après avoir enterré la lutte des classes, et s’être converti à l’économie de marché, est devenu un fervent défenseur du néolibéralisme, tout en se prétendant de gauche. Peu à peu, ce « PS de droite », et ces afficionados de « la gauche caviar » ont joué les donneurs de leçons, et tout commentaires sur l’immigration a été qualifié « d’extrême droite ».
L’intégration est en panne, parce que l’Etat, l’extrême droite et le patronat n’y ont aucun intérêt, ils veulent diviser et non rassembler. L’immigré n’est pas responsable, il est victime du système qui l’amène sur notre territoire, mais dans la situation actuelle, l’arrivée d’un nouveau flux migratoire ne fera que précariser un peu plus les immigrants précédents et les travailleurs nationaux par leur mise en concurrence, orchestrée par le patronat. Pendant ce temps, les uns fantasment sur le danger que représentent les étrangers, tandis les autres ont un discours moralisateur et donneur de leçon. Mais bien souvent, ni les uns, ni les autres ne vivent dans les quartiers populaires et ils côtoient des immigrés que de manière occasionnelle ; Comme d’habitude, beaucoup de gens parlent de choses qu’ils ne connaissent pas. Il faut sortir de ce piège, car tant que la droite et l’extrême droite agiteront le spectre de l’immigration, toutes les autres propositions de gauche seront inaudibles . Pour contrer le vote en faveur de l’extrême droite, il nous faut revenir à un discours clair sur l’immigration, il faut s’attaquer aux causes qui motivent ce vote, sans stigmatisation des immigrés, mais sans tabou. Si nous n’arrivons pas à porter le débat dans l’opinion publique nous nous condamnons à une voie sans issue pour les travailleurs nationaux comme pour ceux issus de l’immigration, et nous ferons le jeu de l’extrême droite et du patronat qui aboutira fatalement à un nivellement par le bas pour l’ensemble des salariés. En ces temps de crise, avoir le courage de poser des questions, n’est pas le chemin de la facilité, mais il n’y en a pas d’autre. Ne nous y trompons pas, le débat sur l’immigration fin 2023 à l’assemblée nationale n’est qu’un coup de pub de la part du gouvernement pour faire croire qu’il prend les préoccupations des français au sérieux et pour essayer de couper l’herbe sous les pieds de l’extrême droite en vue des prochaines élections. C’est une lutte des places car idéologiquement il n’y a guère de différences. Finalement une grande partie des articles de cette loi a été retoquée par le Conseil Institutionnel … Attendons la suite.
Enfin, pour que les périodes électorales ne « tournent » pas systématiquement autour des problèmes de l’immigration, il faut d’emblée poser les règles du jeux. Un candidat de « gauche » doit affirmer ses positions sur ce sujet, mais ajouter qu’en cas de victoire aux élections, ces problèmes seront réglés par un référendum : ce sont les électeurs qui décideront, mais maintenant pendant cette campagne, parlons, salaire, travail, services publics, santé, éducation, répartition des richesses, etc… Si l’on peut anticiper le résultat du référendum, rien n’empêche d’en organiser un deuxième quelques années après, et si la « gauche » est capable par son programme d’améliorer l’existence de la population, celle-ci sera alors moins « vent debout » concernant l’immigration. Mais tant que les débats électoraux seront consacrés à ce problème, nous n’avancerons pas d’un pouce.
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