Parce qu’ils le valent bien
Posté par 2ccr le 25 octobre 2024
Formée à la pensée de l’économie libérale, à la logique du marché et aux bienfaits du capitalisme, notre future élite n’a aucun sens critique de la société dans laquelle nous vivons. La pauvreté c’est la faute aux pauvres, le déficit de l’assurance maladie c’est la faute aux malades et le chômage c’est la faute aux chômeurs. Pour eux, les dogmes de l’économie libérale ne sont pas en cause, c’est la population qu’il faut « éduquer », pour qu’elle soit conciliable avec la théorie. Nos futures élites avancent tête baissée, endoctrinées par le système qui les a créés. Lobotomisées jusqu’au plus profond de leurs neurones, elles sont convaincues qu’il n’y a pas d’autre alternative. Chez elles rien n’est fait au hasard : les amitiés qu’elles nouent, les réseaux qu’elles tissent, les entreprises qu’elles intègrent ou les postes dans l’administration qu’elles convoitent, tout cela n’est fait que dans un seul but : leur carrière ! A 50 ans elles auront leur Rolex ! La loi du marché explique tout. La mort d’un enfant sous-alimenté est seulement un fait divers. Le chômeur qui se suicide ne les interpelle pas. Elles sont au-dessus de tout ça, car elles sont du côté des gagnants ! Une société ne peut pas laisser des millions de personnes sur le bas-côté, sans en payer tôt ou tard le prix. Le système qu’elles cautionnent est la cause principale d’insécurité sociale et de pauvreté, qui sont sources de délinquance et de terrorisme.
Depuis les meilleures « Prépas » jusqu’aux grandes écoles, on leur a répété qu’ils étaient les meilleurs et ils en sont persuadés. Ils ont le culte de la réussite, ce sont des « winners », ils écrasent tout sur leur passage, et ce ne sont pas quelques milliers d’anonymes disséminés sur la planète qui les empêcheront de restructurer des entreprises en licenciant, ou de voter des lois pour plus d’inégalités, afin de satisfaire le taux de croissance ! Pour eux la vision du monde est binaire, il y a ceux qui méritent leur place, grâce à leur travail ou leur naissance, en servant les intérêts des puissants. Et il y a les autres que l’on peut exploiter, les autres qui devraient être reconnaissants de ce que l’on fait pour eux, les autres qui ne font aucun effort pour s’en sortir, les autres qui ne sont qu’une masse insignifiante. « La méritocratie est la bonne conscience des gagnants du système », dans « L’Illusion Méritocratique » David Guilbaud, lui-même issu de ce système méritocratique, montre comment tout concourt à maintenir un statu quo inégalitaire dès les premières années du parcours scolaire en dépit des dispositifs « d’égalité des chances ».
J’ai l’impression, peut être fausse, que finalement, même si c’est une minorité, à l’intérieur de ces grandes écoles le débat est ouvert. HEC, X, l’ENS ou Sciences Po ouvrent leur porte à des personnalités et à des économistes différents, pour débattre et entendre un autre son de cloche. Certains pensent que le formatage a des limites, et que s’ils restent dans un entre soi, un jour ils se réveilleront, ils entendront un drôle de bruit venant de la rue, et ne comprendront rien aux évènements en cours. Plus pragmatiques, les plus intelligents pensent qu’il faut sérieusement commencer à changer de direction, sinon un jour plus personne ne contrôlera rien, et malgré tout ils préfèreraient que le changement se fasse de manière douce et limité, plutôt que de manière brusque et violente. Un jour ou l’autre ça finira par craquer…
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